Article paru sur le blog “psittacula eupatria

Pérégrinations bruxelloises d’une européenne parmi les européens”

Pour mon premier portait d’européens, et aussi pour continuer sur ma découverte de la Belgique, j’ai eu envie d’interviewer un duo de choc, Jean-Baptiste et Bastien, « deux drôles de rigolos » comme ils se décrivent eux-mêmes .

Pourquoi? Parce que ces deux belges portent aussi un projet, Pol & Paul, qui m’a tout de suite paru très proche du mien. Découvrir et faire découvrir un pays (en l’occurrence le leur! quand moi j’en ai 28 à parcourir), aller à la rencontre des gens, diversifier les approches et les moyens de le faire… Et puis, l’idée même de leur projet, c’est d’incarner dans leurs vidéos un francophone, Paul, et un néerlandophone, Pol, qui, au gré de leurs voyages et de leurs rencontres, questionnent l’existence de frontières, en montrant de manière très concrète et sur le terrain la joie de vivre des belges, qui se côtoient et vivent ensemble au quotidien ! Un très beau projet qui arrive pile au bon moment, moi qui essaye de mieux comprendre leur pays.

Alors, c’est avec l’Atomium comme toile de fond et par une belle matinée ensoleillée d’automne que nous nous sommes donnés rendez-vous, pour parler ensemble de leur projet, d’identité, de frontière et de la Belgique.

POURQUOI L’ATOMIUM?

Bastien: « On est déjà venu par ici en tant que Pol & Paul, pour un salon alimentaire. On a interrogé des gens sur leurs connaissances des spécialités belges. Saucisses, chicons…On avait décerné un prix fictif à celui qui connaissait le plus de spécialités. Le lieu nous tient à cœur. Et, bien évidemment, l’Atomium est un symbole de la Belgique. »
Jean-Baptiste: « C’était aussi un petit cadeau pour toi (en s’adressant à moi). Avec Mini Europe à deux pas, c’est le lieu idéal pour commencer ton blog, vu que tu veux faire des portraits sur les européens. C’est un peu symbolique. »

LEUR RENCONTRE

Jean-Baptiste : « On s’est retrouvé par hasard dans un petit groupe d’acteurs amateurs. On avait été contacté par Pelckmans, une maison d’édition faisant des livres d’apprentissage du français dans l’enseignement néerlandophone. Ils recherchaient des francophones vivant en Flandre. »
Bastien : « On était donc déjà dans le contexte audiovisuel. Et directement dans cet aspect bilingue qui nous a uni » (moment émotion !)
Jean-Baptiste : « Ensuite celui qui organisait ça nous a dit qu’on était deux drôles de rigolos et qu’on devrait faire quelque chose ensemble. »
Bastien: « On a commencé avec des sketchs d’essai humoristiques. »
Jean-Baptiste : « Mais ça a drôlement foiré ! » (rires)
Bastien: « On s’est dit que ça allait pas prendre et qu’il fallait y mettre plus de sérieux. L’idée est venue de faire un duo fictif. »

LA PREMIÈRE VIDÉO

Jean-Baptiste: « On est d’abord allés à Zétrud-Lumay, un endroit parfait pour commencer notre projet car c’est sur la frontière linguistique. Et c’est là où tu as toute l’idée de Pol & Paul: on est dans un petit village belge, sur une frontière qui divise soi-disant le pays, et tu retrouves tout aussi bien des francophones et des néerlandophones qui se côtoient tous les jours ; et y’a pas de frontière visible. »
Bastien: « Ce sont des voisins. On sonnait à une porte du côté francophone, on faisait quelques mètres et on rencontrait un néerlandophone. On voit qu’ils se retrouvent au-delà de cette frontière et qu’ils s’entendent, qu’ils participent à des jeux inter-village, qu’ils jouent ensemble. »
Jean-Baptiste: « C’était tellement bien qu’on s’est dit qu’on y retournerait tous les 5 ans. Et on l’a fait en 2013 !
Il faisait magnifique, c’était par une belle journée d’été, on était tout près d’Hoegaarden, il y avait les champs de maïs dorés… On a fait un tour sur la remorque d’un fermier. On lui posait nos questions habituelles, savoir s’il s’entend avec ses voisins, et il a répondu « Ici il n’y a ni mur, ni clôture ». C’était beau. »
Bastien: (il s’adresse à moi) « C’est un beau titre pour ton article! » (rires)

UNE IDENTITÉ SI CLAIREMENT DÉFINIE?

Jean-Baptiste: « moi dans les vidéos je suis Paul, le francophone, et Bastien est Pol, le néerlandophone. On s’est réparti les rôles. »
Bastien : « En fait, je suis flamand d’origine, on l’est tous les deux d’ailleurs, et on a également des origines francophones. Moi c’est mon père qui est wallon, et Jean-Baptiste a ses deux parents qui sont francophones mais qui habitent en Flandre, à Gand. Moi j’ai vécu une grande partie de ma vie en Flandre orientale, mais aussi à Liège. »
Jean-Baptiste : « Y’a pas un pur flamand, ou un pur wallon. Notre objectif c’est de montrer ça. On a tous quelque chose de belge en nous. Moi j’habite à Bruxelles, je parle français, je suis né à Gand…»

LE PROJET

Jean-Baptiste: « Comment décrire le projet en une phrase? « Au-delà des frontières». »
Bastien: « Oui et on fait des vidéos sur la joie de vivre des belges. Je dirais qu’il y a avant tout l’angle « human interest ». On se concentre sur les petites histoires du passant qu’on rencontre par hasard. Tout est très spontané. On va à la rencontre des autres, nos personnages eux sont secondaires. On va aussi dans des endroits typiques de la Belgique, la côte, la frontière…Au fur et à mesure de nos vidéos, le concept a évolué. On a vu ce qui marche, ce qui marche pas. »
Jean-Baptiste: « L’année passée, on a eu l’idée de faire des synergies avec d’autres projets. Où tu vas avoir Pol & Paul et quelqu’un d’autre. Par exemple on a voulu présenter avec Kitchenroots la préparation d’un plat typiquement belge. »

UN PROJET POLITIQUE QUAND ON PARLE DE FRONTIÈRE EN BELGIQUE?

Jean-Baptiste : « Je n’aime pas le mot apolitique car ça n’existe pas, tout est orienté, naturellement. Mais le point de vue qu’on a choisi, c’est la rencontre avec les gens. On n’a pas besoin d’arguments politiques pour montrer que les frontières n’existent pas, qu’elles ne sont pas physiques, qu’elles sont très relatives. C’est peut-être les politiciens qui créent, qui mettent en avant ces frontières ?
Alors oui, clairement on n’est pas des séparatistes. On aime notre pays, et déjà ça en Belgique c’est un peu une orientation… »
Bastien : « On est des journalistes amateurs, dans le sens latin amare, aimer, avoir un respect pour. »
Jean-Baptiste: « Tu étudies le latin toi? » (avec un sourire)
Bastien: « On n’a pas d’arrière idée politique. On ne se présente pas avec des symboles. C’est notre neutralité journalistique. »

CLICHÉS

Jean-Baptiste: « L’un de nos reportages visait à comparer une ville en Flandre, Sint Niklaas, et une ville en Wallonie, Namur, et discuter avec les gens des clichés sur les wallons et les flamands. Le cliché que les flamands ont des wallons, c’est qu’ils sont paresseux. Et on avait rencontré à Namur une petite dame qui disait « les flamandes, elles fument beaucoup, je les ai vu fumer dans les champs ». (rires) Les gens ont des a priori. »
Bastien : « Y’a des idées fixes folkloriques. »

LA FRONTIÈRE LINGUISTIQUE

Jean-Baptiste: « On a fait un reportage sur Le Gordel, un évènement sportif annuel. C’est un tour à vélo et à pied autour de Bruxelles, qui traverse plusieurs communes bilingues, et qui est organisé par le BLOSO (service administratif du ministère de la Communauté flamande chargé de promouvoir le sport et l’éducation physique auprès des flamands). Il y a là une volonté de marquer le caractère flamand de la périphérie bruxelloise. Et Bastien avait entendu à la radio que des francophones avaient déposé des punaises sur la route. »
Bastien: « Oui, c’était un sabotage d’un évènement néerlandophone dans une région qui est à majorité francophone. Il y a eu plusieurs crevaisons. Donc on est parti en reportage. »
Jean-Baptiste: « La conclusion, c’est qu’on a réalisé à la fin de la journée qu’on n’avait pas trouvé de coupable et que les gens sur place, contrairement à ce qui avait été dit à la radio, étaient juste là pour le sport…Je me rappelle d’un homme, un flamand, qui avait dit « le seul ennemi c’est la condition » (sous-entendu, physique).
Oui c’est vrai par contre, on a eu un clash. Le seul clash qu’on a eu dans tous nos reportages. Vu qu’il y a cette célébration de l’esprit flamand, il y a naturellement des groupements nationalistes séparatistes, qui ne participaient pas directement à l’évènement mais qui étaient présents sur la place communale de Zaventem. J’ai été les interroger. Le comble, c’est que la personne que j’interviewe en premier, il était ultra sympa, il a répondu avec beaucoup de plaisir à toutes mes questions en français, alors qu’il avait son drapeau flamand à l’arrière. C’était vraiment très contradictoire. A un moment, un de ses collègues vient le rattraper « mais qu’est-ce que tu fous ? Tu réponds pas à des questions en français, on est en Flandre ici ». »
Bastien : « Ce qui montre une toute petite minorité de personnes, qui est dans un ridicule infini. Ils viennent embêter des gens qui viennent faire du sport et qui s’en moquent de quelle langue on parle. Il s’agit surtout d’un évènement familial. »
Jean-Baptiste : « Ce qu’il y a en commun c’est le sport. On est un pays de cyclisme et on a vu ça ce jour-là. »

VOUS SENTEZ-VOUS EUROPÉENS?

Bastien : « Personnellement, je ne sais pas répondre. Je me sens plus belge qu’européen. Je voyage beaucoup. J’adore rentrer en Belgique quand je pars, j’adore parler de mon pays aux étrangers que je rencontre… Le concept de l’Europe ne me préoccupe pas, ne me touche pas au quotidien. Je n’y pense pas. Je n’ai ni une image négative, ni une image positive. »
Jean-Baptiste : « Je suis un peu tous les jours dedans, avec mon travail, et avant avec mes études aussi. Je lis un livre en ce moment, « Les identités meurtrières » d’Amin Maalouf, et j’aime ce qu’il dit. C’est une chance d’être comme ça, d’avoir reçu plusieurs éléments identitaires. On n’est pas que flamand, que wallon, que belge. J’ai eu la chance d’étudier l’Europe pendant un an avec plein d’européens. Alors oui, une partie de mon identité est européenne. Mais je me sens aussi gantois, belge, flamand, bientôt je serai habitant en Wallonie…En fait, ça part dans tous les sens ! Et dans un si petit pays ! »

UN BON PLAN EN BELGIQUE?

Bastien: « J’inviterais la personne à aller à Louvain. Une belle ville historique, universitaire aussi, à 20 minutes de Bruxelles et avec un petit centre-ville très charmant. Allez au Quetzal, un bar à chocolat. C’est idéal dans le cadre hivernal de ton article ! » (rires)
Jean-Baptiste: « On parle toujours de Bruges, de Bruxelles et d’Anvers, mais pile au milieu, il y a Gand, c’est une très belle ville. Bruges fait penser à un musée parfois alors que Gand y’a beaucoup de vie, une vie nocturne aussi… A partir de 22H le soir, allez au Rococo. Tout est éclairé à la bougie, ça reste ouvert jusque 4h/6h du matin. C’est un très bel endroit. »

LA SUITE?

Jean-Baptiste: « Il y a une sous-représentation de Bruxelles dans les reportages de Pol et Paul.C’est ma grande envie, de faire quelque chose à Bruxelles. »
Bastien : « Pour montrer la mobilité à Bruxelles, et la multiculturalité. »
Jean-Baptiste: « Tu me poses la question de savoir si on va au-delà d’autres frontières que celles en Belgique. Alors non, on va rester en Belgique, mais y’a aussi des eurocrates par exemple, qui vivent ici et apportent eux aussi leur culture. On peut aller à leur rencontre »
Bastien : « Oui, ce sont des nouveaux belges ! On fera quelque chose vers début 2017. »
Jean-Baptiste : « Y’a aussi une grande communauté portugaise. Ou des réfugiés… Tous ces gens vivent en Belgique. Alors on peut aller voir et constater qu’il y a une ouverture qui est présente. C’est l’hypothèse en tout cas. »
Bastien: « On pourrait sinon aller à la rencontre des germanophones en Belgique. Car personne ne connait cette communauté. C’est un peu le triangle des Bermudes de la Belgique ! Tout le monde se demande ce qu’il peut bien s’y passer.

Eh bien les gars, le rendez-vous est pris en tout cas pour début 2017, nous on attend votre prochaine vidéo avec impatience !